Tes doigts
Qui m'ont donné mes premiers bains
Lavé mes premiers cheveux fous
Qui ont tenu fort ma petite main
Pour m'apprendre à me t'nir debout
Qui m'ont tricoté des foulards
Et m'ont cousu des édredons
Qui m'remontaient soir après soir
Mes couvertures jusqu'au menton
Qui racc'modaient mon vieux doudou
Que mes dents d'lait avaient mordu
Et qui comptaient déjà les sous
Ceux de la fée des dents perdues
Tes doigts
Qui m'ont essuyé tant de larmes
Et m'ont servi tant de jus d'pomme
Qui m'ont allumé tant de flammes
Sur des gâteaux toujours énormes
Qui ont tordu tant de chiffons
Et fait reluire tant de surfaces
Tant de planchers où mes chaussons
Patinaient comme sur de la glace
Moi, j'observais leurs gestes habiles
Quand ils me mimaient patiemment
Comment on tient les ustensiles
Comment on coupe les aliments
Tes doigts
Qui venaient souvent palper ma tête
Inquiets de mon petit front chaud
Qui savaient jouer à la roulette
Des vieux téléphones muraux
Qui n'savaient pas en m'enseignant
La façon de t'nir un crayon
Que ce serait l'plus beau des présents
La plus intense de mes passions
Qui n'auront jamais assez mal
À toutes leurs articulations
Pour me pointer ma bonne étoile
Et m'indiquer ma direction
Qui n'arrêtaient pas d'lisser mes draps
Et d'repasser mes robes de nuit
Pour que je dorme d'un sommeil droit
Et que mes rêves n'aient pas d'faux plis
Qui m'ont attaché mes lacets
Et savaient brosser ma tignasse
Toute l'éternité qu'il fallait
Pour venir à bout des nœuds tenaces
Qui donnaient vie aux marionnettes
Et mort à ma mauvaise humeur
Qui d'un claquement sonore et sec
Savaient m'sortir de ma torpeur
Tes doigts
Qui ont apposé tant de parafes
Sur tant de papiers officiels
Qui m'ont aidée avec l'agrafe
De ma longue robe de dentelles
Qui en une seule ombre chinoise
Savaient dessiner le bonheur
Qui n'avaient pas besoin d'l'ardoise
Ni de la craie des professeurs
Ils sauront toujours où fouiller, tes doigts
Pour trouver des diachylons
Si je reviens, l'cœur éraflé
À la porte de ta maison