J'ai acheté mes billets en mars
Enfin, septembre est arrivé
Je me suis assise à ma place
Au centre d'la première rangée
Bientôt, je vois l'rideau s'ouvrir
Et mon idole qui s'avance
Bon Dieu, quel charme, quel sourire
Quelle grâce elle a, quelle élégance
Je la regarde, obnubilée
Et je lui tends mon oreille creuse
J'ai soif de c'que va raconter
Ma belle et bien-aimée chanteuse
Alors qu'elle entame une chanson
Y'a comme une goutte de sueur
Qui vient me perler sur le front
Pourtant, je sens pas la chaleur
Je l'essuie donc du bout des doigts
D'un tout petit geste distrait
Comme hypnotisée par sa voix
Qui mord dans un nouveau couplet
J'suis là, les coudes sur les cuisses
Avec le cou tout étiré
Avant même qu'la chanson finisse
Ça se remet à bremasser
Est-ce que c'est quelqu'un au balcon
Qui a renversé son verre d'Evian
Est-ce qu'y a un trou dans le plafond
En ligne directe avec mon banc
Maintenant, ça y est, je m'impatiente
C'est plus d'la pluie, c'est des flocons
Comme une espèce de neige fondante
Qui vient d'me mouiller le menton
Je lève les yeux vers ma star
Mais, nom de Dieu, dites-moi qu'je rêve
Elle a quelque chose de bizarre
Comme de l'écume dans l'rouge à lèvres
J'm'attendais à voir un canon
En arrivant dans ce théâtre
Mais pas à recevoir, en plein front
Autant de missiles blanchâtres
Voilà qu'elle crie, comme hystérique
Transfigurée par l'émotion
Puis elle en met et plus ça gicle
"Hé ! La pétasse, fais attention !
Moi, j'avais soif de tes histoires
Pas de ta bave dégoulinante !
Tu m'prends pour quoi ? pour un crachoir ?
Recule un peu, mon écœurante !"
Plus ça va, plus elle me dégoûte
Elle postillonne à pleins poumons
C'est pire que le supplice d'la goutte
Je m'en retourne à la maison
Les producteurs, ça rit, c'est riche
Et ça nous prend pour des idiots
Y devraient l'dire, sur les affiches
Quand la chanteuse est un chameau