Il est arrivé en coup d' vent
M'a marquée comme un coup d' soleil
Il s'est assis tout souriant
Il a dit "J' m'appelle Henri Weil"
À la table d'un restaurant
En pleine nuit, en plein Paris
Comme un clone du fou chantant
Un simple amoureux de la vie
Comme un enfant aux cheveux gris
Qui n'a qu'un hymne dans la voix
Qu'une conviction dans ta vie
C'est qu'y a d'la joie
Il m'a parlé, il m'a appris
Que le bonheur est dans l' papier
Du napperon qu'on plie, qu'on replie
Et qui devient une fusée
Son regard bleu comme une vague
M'a transportée, m'a rafraîchie
Il y est allé de quelques blagues
J'avais l' cœur tout ragaillardi
Comme un enfant aux cheveux gris
Qui n'a qu'une idole et qu'un roi
Qui n'a qu'une parole et qu'un cri
C'est "Y a d'la joie"
Il m'a appris
Qu' le savoir-vivre
C'était de savoir être fou
Qu'assis, debout
A jeun ou ivre
On pouvait chanter n'importe où
Pour nous surprendre, il s'élançait
Vers quelque parfait inconnu
En s'écriant "Si j' m'attendais
Y a si longtemps
Comment vas-tu?"
Et devant tant de gentillesse
Et croyant sa mémoire trouée
L'homme floué, par politesse
Se résignait à l'embrasser
Et comme un enfant aux cheveux gris
Les yeux brillants, l'air satisfait
Fier de sa douce plaisanterie
Il chantonnait
"Y a d'la joie"
Les années passent comme le vent
Marquent ma peau comme le soleil
Les années défilent et pourtant
Je ne me sens jamais plus vieille
Depuis cette nuit-là au resto
Je n' suis plus tout à fait pareille
Et si parfois j'ai le cœur gros
Quelque chose me dit qu'Henri veille
Et Trenet lui prête ses mots
"Y a d'la joie, etc."