C'est pas à l'orée de Clamart
Ni dans la forêt de Sénart
Que l'on rencontre ces potences
Mais elles boisent nos régions
Des Maures jusqu'au Luberon
On en trouve encore en Provence
Si tu songeais, brave estivant
Plutôt que de hâler au vent
Ton embouligue ridicule
Qu'il est des bouffées de chaleur
Des étés brûlants de malheur
Lorsque frappe la canicule
Si tu m'accordais un instant
Juste quelques couplets, le temps
Que je raconte le récit de
La sinistre disparition
D'une pinède, l'extinction
L'histoire d'un arboricide
Une étincelle et le feu prend
Voici Vulcain se découvrant
Une voracité subite
Pendant que son souffle maudit
Embrase les bosquets, tandis
Que les troncs craquent et crépitent
Je connaissais le feu grégeois
J'avais bien vu des feux de joie
Vu tirer des feux d'artifice
Cette fois, loin de m'extasier
Devant l'ampleur d'un tel brasier
Je pressentais le sacrifice
Quand les hommes sont arrivés
Les flammes brûlaient le pavé
Et le mal n'était plus à faire
Lors, au plus fort de l'incendie
Dans la fumée on entendit
Les voix de tous ces conifères
Frères humains, protégez-nous
Déjà le drame se dénoue
Déjà la bête nous enfume
Cette eau qui s'épand sur nos corps
Nous transit du froid de la mort
Nous buvons l'eau de l'amertume
Hélas ! quand le dernier assaut
Fut donné, que le dernier seau
D'eau terrassa cette tarasque
Le bois n'avait pas fait long feu
Triste pointait vers le ciel bleu
Comme une apparition fantasque
Un spectre noir aux bras fumants
Se dressait nu, sans vêtements
A la fois lugubre et sublime
Lâchait un râle guttural
Sur le spectacle sépulcral
Qu'il voyait du haut de sa cime
Rescapé de l'âtre ennemi,
La vue des autres pins le mit
Dans une humeur atrabilaire
Et de ses branches calcinées
Il semblait avoir dessiné
Un instrument patibulaire
Et tu diras, brave étranger
En sortant ton garde-manger
Sous les derniers pins maritimes
Qu'il est impossible aujourd'hui
De bien camper dans le Midi
L'ombrage s'y fait rarissime
D'ailleurs, comment voulez-vous donc
Profiter sous ces arbres-troncs
Sans leurs parures végétales ?
Par bonheur, été comme hiver
Il nous en reste de plus verts
Tout autour de la Capitale
C'est vrai, ce n'est pas à Clamart
Ni dans la forêt de Sénart
Que l'on rencontre ces potences
Mais elles boisent nos régions
Des Maures jusqu'au Luberon
On en trouve encore en Provence