C'est un serpent python
C'est un python serpent
Qui se promène dans la forêt
En cherchant à dévorer
Un beau petit lapin
Ou bien un nègre fin
Car le serpent python a faim
Il a une faim sans fin !
Mais bêtes et gens sont partis hier
Loués par la Metro Goldwyn Mayer
Pour figurer dans un film de Tarzan
Qui doit rapporter beaucoup d'argent !
Mais le serpent piteux
Est triste et s'mord la queue
Car il comprend, ô désespoir
Qu'il ne mangera pas ce soir
Soudain le bois s'éveille
Arrivent des appareils
De prises de vues de prise de son
C'est la scène du grand frisson
On lâche des animaux
Des lions et des rhino-
Céros qu'ont l'air féroce comme tout
Mais sont doux comme des toutous
Notre serpent du haut d'une branche en l'air
Voit m'sieur Johnny Weissmüller
Qui fait joujou avec un éléphant
Quel joli tableau pour les enfants
Mais tant de cinéma
Ne remplit pas l'estomac
Du pauvre python qui n'aura pas
Qui n'aura pas de repas
Quand une idée subtile
Germe au cœur du reptile
Profitant d'une répétition
Voici qu'avec précaution
Dans l'ombre du crépuscule
Il avance il recule
Puis happe un morceau minuscule
Un morceau de pellicule
Qui dépassait d'une boîte en fer
C'était la grande scène du Val d'Enfer
Tournée l'matin dans une cloche à plongeur
Pour mieux voir évoluer le nageur.
Et comme un spaghetti
Le python en appétit
Avale deux cents mètres à présent
Des aventures de Tarzan !
Puis il s'en va joyeux
Pensant "C'est merveilleux"
Je vais dormir maint'nant trois s'maines
Digérer ce film sans peine
Rampant par-ci par-là
Il s'enroule, oh là là
Autour d'un cocotier géant
Mais soudain s'écrie "J'ai en
J'ai envie d'vomir c'est affreux, tu m'as
Empoisonné, cinéma
Tarzan n'est pas pour les pauvres pythons
J'en ai mal jusqu'au bout des tétons"
Et la moralité
Du python dépité
C'est qu'parfois trop de ciné parleur
Peut vous donner mal au cœur
Ou que les hommes digèrent, dit-on
Mieux que les serpents
Mieux que les serpents pythons